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Le “Hold up” de l’AFP : “debunk” de leur “debunk”

Auteur(s): Wolf Wagner, journaliste pour FranceSoir

C’est le documentaire dont tout le monde parle : “Hold Up”, de Pierre Barnérias et Christophe Cossé. Sorti le 11 novembre, il a eu l’effet d’une bombe complotiste, y compris dans les services de vérification des différents médias français. Toujours enclins à distiller une vérité implacable et inattaquable, ces débunkers sont-ils néanmoins si rigoureux dans leur manière de vérifier l’info ? Pourraient-ils être tout autant coupables que ceux qu’ils cherchent à épingler ?

Préambule :
Avant toute chose, il convient de préciser que ce papier n’a ni vocation à encenser ni à dénoncer Hold Up. Ce texte ne vise pas non plus à faire la critique du film.

La condamnation unanime de la presse envers ce documentaire fut telle, qu’il est apparu intéressant de se pencher sur la manière avec laquelle les différents services de vérification des grands médias français ont choisi d’argumenter pour remettre en cause les informations présentes dans ce film.

Il est toujours fascinant de constater le pouvoir que ce type d’articles a sur l’opinion publique. Souvent considérés comme la source ultime d’information, parce qu’en bout de chaîne et donnés par des organes de presse réputés, il semble très difficile, pour ne pas dire impossible, de les contredire. Pourtant, force est de constater, démonstration à l’appui, qu’ils ne sont pas eux-mêmes exempts de tout reproche.

Concentrons-nous sur le travail de vérification réalisé par l’Agence France Presse, agence mondialement reconnue et référence absolue de l’information en France. L’article des Décodeurs du Monde ou celui du Nouvel Obs auraient également pu être pris comme exemples, mais le choix de ce temple de l’info apparaissait comme étant le plus pertinent, puisqu’il est systématiquement choisi pour référence par l’ensemble de la profession.

L’article qui va suivre n’entend pas trancher ni apporter, plus que nécessaire, un éclaircissement sur les sujets soulevés par l’AFP et par Hold Up. Celui-ci va se cantonner à user de l’exact même procédé que l’agence de presse utilise dans ses fact-checkings, à savoir : relever, puis démontrer pourquoi les affirmations contenues dans son article sont fausses ou trompeuses.

Et parce que personne en France n’a ni l’aura ni la crédibilité de l’AFP, chaque source et chaque information à laquelle cet article se réfère vous sera détaillée au fil de votre lecture, vous permettant alors de vérifier chaque point par vous-même.

Ainsi, si nous ne tombions pas d’accord sur les conclusions à tirer du travail effectué par l’Agence France Presse au sujet de ce documentaire, nous devrions au moins nous entendre sur la véracité des propos et des faits que nous aurons décidés d’opposer.

Pour cela, il nous faut en premier lieu nous accorder sur la viabilité de nos sources.
Si la démarche vise à démontrer que le débunker de l’AFP colporte des informations trompeuses et/ou erronées, quoi de mieux dans ce cas que de se baser directement sur les sources mises en avant par l’agence de presse elle-même ?

Ainsi, toutes celles que vous retrouverez dans ce papier proviendront soit de l’AFP, soit des plus grands médias français, soit directement des études scientifiques citées par l’Agence de presse, ou soit, encore, d’organisations mondialement reconnues, telles que l’OMS ou l’ONU.


Les postulats de départ posés, rentrons à présent dans le vif du sujet.

L’article de l’AFP pris ici pour référence a pour titre : « “Hold-up” : une vidéo truffée de fausses informations »

En regardant dans le détail les éléments apportés pour démontrer pourquoi et en quoi Hold Up était « truffé de fausses informations », on prend rapidement conscience que l’Agence France Presse va passer du costume de redresseur de torts en chef à celui d’arroseur arrosé. Si elle épingle bien le film sur plusieurs fake news (comme par exemple celle expliquant que le brevet du covid-19 aurait été déposé par l’Institut Pasteur en 2015), elle est toutefois loin, elle-même, de ne pas se rendre coupable de communiquer des informations erronées.

Ainsi, ce papier va se concentrer à décortiquer et à vous démontrer pourquoi les explications fournies par l’AFP au sujet de ces cinq affirmations vous induisent en erreur :
– L’Organisation Mondiale de la Santé recommande le port du masque généralisé par le grand public.
– Les masques sont très protecteurs et ne sont pas des nids à microbes.
– La Suède n’a pas été épargnée par la crise du Covid-19

– Le Rivotril n’a pas été utilisé dans les EHPAD pour achever les résidents faute de place dans les hôpitaux.

– L’hydroxychloroquine est inefficace pour traiter la Covid-19.

Explications.

Débunkons les débunkers
Dans son article, le jugement de l’AFP sur ce film est sans appel et se résume ainsi : « argumentaire complotiste truffé d’au moins une trentaine de fausses affirmations ».
Afin d’étayer ses propos, l’Agence France Presse s’engage dans ce qu’elle considère être un rétablissement de vérités.
Reprenons-les donc une à une depuis le début en nous attachant uniquement à déceler les points où, n’ayons pas peur des mots, l’AFP se trompe.

Premier point : selon l’AFP, l’idée que : « l’OMS ne dit pas que tout le monde doit mettre un masque » est fausse.

Pourquoi l’AFP donne ici une information mensongère :

Rapidement dans son article, l’Agence France Presse aborde la question des masques.

On y lit : « Selon Astrid Stuckelberger, présentée  (ndla : dans Hold Up) comme une docteure en médecine :l’OMS ne dit pas que tout le monde doit mettre un masque” ».

Interjection immédiate de l’Agence de Presse qui annonce : « C’est faux. », avant d’expliquer : « L’Organisation mondiale de la Santé préconise bien le port du masque pour le grand public dans une note diffusée en juin. » et d’ajouter un peu plus loin : « Les masques chirurgicaux permettent de limiter la diffusion du virus, surtout en protégeant les autres de nos propres postillons, selon plusieurs experts interrogés depuis mars. ».

Il est donc rapporté que l’OMS « préconise bien le port du masque pour le grand public », notamment pour « limiter la diffusion du virus, surtout en protégeant les autres de nos propres postillons ». Des propos visant à démentir la déclaration de Stuckelberger qui était : « l’OMS ne dit pas que tout le monde doit porter un masque ».

Afin d’étayer son propos, l’AFP nous renvoie donc à ce document officiel de l’Organisation Mondiale de la Santé daté de juin 2020.
On note au passage que l’agence de presse ne fait pas l’effort de nous aiguiller sur les pages du document sur lesquelles elle se base pour asseoir sa démonstration. Pas sympa l’AFP, elle nous force à chercher.

Que dit précisément cette note ?

Dans un premier temps, l’OMS explique, page 7, concernant ses « orientations pour le port du masque pour le grand public. » que « les études sur la grippe, les affections de type grippal et les coronavirus humains (autres que celui de la COVID-19) montrent que le port d’un masque médical peut éviter la propagation de gouttelettes infectieuses par un sujet infecté présentant des symptômes (lutte à la source) et la contamination potentielle de l’environnement par ces gouttelettes », avant de préciser : « Quelques données limitées montrent que le port d’un masque médical par des personnes en bonne santé, en particulier qui habitent avec un malade, ou par des personnes participant à des grands rassemblements, peut contribuer à prévenir la transmission ».

Si dans un premier temps l’OMS reconnaît que le port du masque par le grand public peut « éviter la propagation de gouttelettes » et ainsi « contribuer à prévenir la transmission », l’organisation mondiale de la santé prend néanmoins bien le soin de nous prévenir du caractère « limité » du nombre de données disponibles sur le sujet, cherchant par là à nous avertir de la fiabilité encore relative d’une telle information.

L’OMS poursuit : « Les résultats d’essais contrôlés randomisés par groupe sur le port du masque par les jeunes universitaires adultes vivant sur un campus aux États-Unis d’Amérique indiquent que les masques faciaux peuvent réduire le taux d’affections de type grippal, sans avoir cependant d’impact sur le risque de grippe confirmée en laboratoire ».

Là encore, l’OMS avertit qu’une étude conclut bien à l’intérêt du port du masque pour « réduire le taux d’affections de type grippal », tout en relativisant dans la foulée : « sans avoir cependant d’impact sur le risque de grippe confirmée en laboratoire ».

Jusqu’ici, même si la formulation de l’OMS est sujette à interprétation, on comprend ce sur quoi se base l’AFP pour affirmer que l’Organisation Mondiale de la Santé recommande bien le port du masque « pour tout le monde » afin de protéger « les autres de nos propres postillons ».

Le point qui va faire la différence, entre ce que dit l’OMS et l’interprétation qu’en fait l’AFP, se trouve toujours page 7. C’est même la première phrase qui suit le dernier passage mentionné ci-dessus.

Face à ces incertitudes scientifiques, l’Organisation mondiale de la santé va finaliser cette partie de son rapport par une formulation qui ne souffre d’aucun doute quant à sa position officielle sur le port du masque par le grand public : « À l’heure actuelle, il n’y a pas d’éléments directs (provenant d’études sur la COVID-19 et sur les personnes en bonne santé au sein de la communauté) sur l’efficacité du port généralisé du masque par les bien-portants en vue de prévenir les infections dues à des virus respiratoires, notamment celui de la COVID-19. ».

En prenant des précautions vis-à-vis du manque d’études disponibles, l’OMS conclut donc bien en écrivant noir sur blanc que le masque permettrait d’éviter de propulser des gouttelettes de sa bouche, et donc de potentiellement empêcher de contaminer son entourage par cette voie, mais qu’elle n’est pas en mesure de confirmer l’efficacité de son port de manière généralisée « par le grand public » – autrement dit par « tout le monde » – dans le but « de prévenir les infections dues à des virus respiratoires, notamment celui du COVID-19 ».

Le port du masque est peut être utile pour le grand public en permanence, ou non, il ne s’agit pas de trancher sur ce point, mais quand l’AFP écrit que « Selon Astrid Stuckelberger, présentée comme une docteure en médecine, “l’OMS ne dit pas que tout le monde doit mettre un masque“. C’est faux. L’Organisation mondiale de la Santé préconise bien le port du masque pour le grand public dans une note diffusée en juin. », il s’agit bien là d’une fausse information divulguée par le débunker de l’agence de presse, puisque l’OMS ne précise nullement que « tout le monde » doit porter un masque.


Continuons l’étude de ce passage de l’article de l’AFP.

L’agence de presse agrémente cette partie de son papier en proposant un lien sur lequel cliquer si l’envie nous en prend. «  Si l’envie nous en prend », car ce lien est situé sous une photo, un peu comme une légende, il n’est donc pas directement relié aux mots écrits dans l’article, contrairement aux autres sources externes proposées par l’AFP pour étayer ses propos. Comprenez par là, qu’il faut de soi-même vouloir se rendre sur cet article pour y lire son contenu.

Dans ce second papier de l’agence de presse, publié le même jour et à peu près à la même heure, le sujet est cette fois exclusivement consacré à la manière dont Hold Up traite les questions autour du port du masque.

Là où dans le premier article que nous venons d’étudier, l’AFP expliquait : « C’est faux. L’Organisation mondiale de la Santé préconise bien le port du masque pour le grand public », dans le second, l’agence de presse est moins affirmative. Elle tourne différemment son texte.

En effet, prenez le temps de constater comment la formulation et l’affirmation concernant le besoin que « tout le monde » porte le masque a évolué en : « L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne recommande pas le port du masque pour la population ? FAUX. » (…) Et à partir de la note de juin, elle a suggéréd’encourager le port du masque par le grand public dans des situations et lieux particuliers, dans le cadre d’une approche globale de lutte contre la transmission du SARS-CoV-2“. ».

On passe donc d’une préconisation généralisée de l’OMS de porter le masque pour « tout le monde » dans le premier article, à, dans le second, l’idée de simplement suggérer d’encourager « la population » de le porter dans des « situations et des lieux particuliers ».

La nuance est de taille. L’interprétation possible tout autant. Entre « préconiser » (définition du Larousse : conseiller quelque chose, l’encourager vivement) le port du masque pour l’ensemble de la population et « suggérer d’encourager le port du masque dans des situations et des lieux particuliers », il y a plus qu’un pas.

La différence notable entre le premier article et le second, c’est que dans le second, l’AFP cite directement le texte du document de l’OMS qu’elle prend en exemple, ce qu’elle ne fait pas dans le premier. La phrase originale de l’OMS paraît ainsi beaucoup moins affirmative que l’idée que souhaite nous faire accepter l’agence de presse dans son premier papier.

Et si l’on souhaitait approfondir ce que l’OMS entend par des « situations et des lieux particuliers », on peut lire, page 8 sur sa note, que : « Sur la base de ces critères, le Tableau 2 offre des exemples pratiques de situations où le port du masque par le grand public devrait être encouragé, en indiquant les populations cibles spécifiques et le type de masque à utiliser en fonction du but visé. La décision des gouvernements et des autorités locales de recommander ou d’imposer le port du masque devrait être prise en fonction des critères présentés ci-dessus et à la lumière de la culture et du contexte locaux, de la disponibilité des masques, des ressources nécessaires et des préférences de la population »
 

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Légende : Excepté lors de « rassemblements de masse », l’OMS ne cite, page 9 de sa note, aucun exemple de lieu extérieur qui pourrait nécessiter un port généralisé du masque par le grand public.

Pour résumé, dans cette note l’organisation mondiale de la santé ne fait en réalité qu’offrir des « exemples pratiques de situations où le port du masque par le grand public devrait être encouragé ». Elle précise même que les gouvernements qui le souhaitent peuvent recommander, ou imposer, le port du masque au regard des éléments rapportés (gouttelettes propulsés par des malades, lieux et situations particuliers), mais que cette décision devrait être prise en fonction entre autres « des préférences de la population ». De quoi bien appuyer sur le côté non impérieux de prendre une telle décision.


Contrairement à ce qui était avancé dans son premier article, ce second papier de l’AFP précise donc bel et bien que le conseil de porter le masque par l’OMS ne s’applique en réalité qu’à des situations particulières et n’est en rien donné comme une obligation s’appliquant à « tout le monde »,

L’affirmation d’Astrid Stuckelberger est donc bien confirmée par l’Organisation mondiale de la santé.

Ironie de l’histoire pour l’Agence France Presse, le document de l’OMS qu’elle présente comme une source censée authentifier la véracité de son argumentation s’est avéré être celui qui l’aura contredite.


Deuxième point : pour l’AFP, dire que « les masques chirurgicaux ne sont pas très protecteurs et que les masques en coton deviennent des nids à microbes en quelques heures » sont deux fausses théories.
Pourquoi c’est trompeur… voire complètement faux :

 

Afin de démentir l’idée que les masques puissent être des nids à bactéries, l’AFP écrit : « La dermatologue Claude Veres affirme (ndla : dans Hold Up) que les masques chirurgicaux nesont pas très protecteurset que les masques en coton deviennent desnids à microbes en quelques heures“, deux théories déjà contredites par des experts à l’AFP

(…) De nombreux autres spécialistes ont assuré que les masques dits “grand public” n’étaient pas dangereux pour la santé, quand ils étaient portés correctement. » 

L’agence de presse cite ici des experts, qu’elle avait précédemment interrogés dans le cadre d’un article au sujet du risque d’être infecté par le port du masque après « quelques heures ». Dans ce précédent papier, l’AFP y dénonce des fake news vis à vis de cette supposée dangerosité.

D’abord, elle démontre à l’aide de ces témoignages d’experts, pourquoi le port du masque ne représente ni de risque de manquer d’oxygène ni celui d’être intoxiqué au CO2.

Puis, dans un troisième temps, l’AFP nous détaille pourquoi les masques ne sont pas non plus un « nid à bactéries ». C’est donc ce passage qui nous intéresse et la raison pour laquelle l’article sur les fausses informations contenues dans Hold up nous y a conduit.

Françoise Dromer, responsable de l’unité de Mycologie moléculaire et du Centre national de référence des Mycoses invasives et des antifongiques de l’Institut Pasteur, y explique : « Dans les conditions d’utilisation recommandées, il n’y a aucun moyen que des champignons se développent à l’intérieur d’un masque”. (,,,) “Pour qu’un masque moisisse, il faudrait le laisser, par exemple, humide dans une pièce pleine de moisissure, ou dans un compost, pendant des semaines”. Avant de conclure en « rappelant qu’un masque doit être changé toutes les 4 heures. »

Toujours dans cet article, Daniel Pahua, professeur de santé publique à l’Université nationale autonome du Mexique précise :“les humains ont des bactéries normales dans leur bouche et leurs fosses nasales”, “quand nous parlons, nous expulsons des gouttelettes de salive. Il peut y avoir des champignons ou des bactéries qui restent sur le masque”,

Pour autant, l’expert ajoute que “la plupart de ces agents ne produisent pas de maladie, parce que ce sont des bactéries que nous avons dans la bouche”. ».

Pour saisir pourquoi la réponse de l’AFP sur la capacité des masques à ne pas être un nid à bactéries est ici trompeuse, il faut d’abord commencer par constater que l’objet du propos de ce passage de cet article tourne principalement autour de la question de la moisissure des masques. Or, nous avons initialement été renvoyés dessus pour comprendre pourquoi les masques ne peuvent pas être « un nid à microbes ».

Une partie du papier nous explique bien que nous avons des bactéries dans nos bouches, mais que, par conséquent, étant endogènes, elles sont inoffensives pour notre organisme. Et c’est tout. Aucun autre cas de figure n’est mentionné.

Convaincus ? Souhaitons que cette réponse vous aura satisfaite, puisque c’est sur cette base que vous devez accepter que les masques sont protecteurs et qu’ils ne sont pas un nid à microbes.

Cette légèreté dans la réponse apportée pose problème.
En effet, pour définir le caractère négatif et radical de la réponse de l’AFP quant à la possibilité de retrouver des bactéries exogènes sur les masques, il faut relire les mots de Françoise Doumer qui avaient bien tenu à préciser au sujet des moisissures « qu’un masque doit être changé toutes les 4h ». Sous-entendu que s’il n’était pas utilisé « dans les conditions recommandées », son caractère inoffensif devrait alors être remis en question.

L’AFP affirme donc en réalité qu’il n’y pas de moisissure ou de bactérie exogène dans les masques que vous portez si et seulement si vous vous pliez rigoureusement aux bonnes recommandations d’usage sur votre manière de le porter. C’est-à-dire que  : vous le changez toutes les 4h, vous laissez toujours votre masque soigneusement emballé avant son utilisation, vous ne le rangez jamais dans une poche ni ne le posez jamais sur aucun support non désinfecté avant de le réutiliser, et vos mains sont toujours elles-mêmes désinfectées avant quelconque manipulation de votre masque.

Bref, si vous suivez scrupuleusement ces recommandations, vous ne courez donc, selon l’AFP, aucun risque bactériologique au niveau de votre masque.

Vous conviendrez toutefois, que si l’on s’en tient au besoin de respecter parfaitement ce protocole pour ne courir aucun risque, un nombre certain de personnes n’ayant pas cette exemplarité n’a, si l’on se fie à cette seule réponse fournie par l’Agence France Presse, pas trouver dans ce nouvel article matière à être assuré que son masque ne dispose d’aucune bactérie exogène.

Et la question qui suit inévitablement est : si vous ne suiviez pas bien les recommandations sur le port du masque, celui-ci pourrait-il dès lors devenir un nid à bactéries ?
On peut le soupçonner à la lecture des témoignages des experts cités par l’agence de presse. Tâchons de le démontrer.

Visiblement, l’AFP part du principe que tout le monde est bon élève, mais même en partant de ce postulat, ce qu’elle ne précise pas, mais France 3 et Le Monde le font, c’est que peu importe si vous respectez parfaitement ces recommandations, les masques ne protègent de toute manière pas des bactéries à 100%,
 

Quand on parle de masque, on parle duquel ? 

Si vous le voulez bien, relisons ce que l’Agence France Presse écrivait dans son débunker sur Hold Up : « La dermatologue Claude Veres affirme que les masques chirurgicaux ne “sont pas très protecteurs” et que les masques en coton deviennent des “nids à microbes en quelques heures”, deux théories déjà contredites par des experts à l’AFP

Les masques chirurgicaux permettent de limiter la diffusion du virus (…). De nombreux autres spécialistes ont assuré que les masques dits “grand public” n’étaient pas dangereux pour la santé, quand ils étaient portés correctement. ».

On distingue donc deux types de masques dans le discours contenus dans cette phrase, les « chirurgicaux » et ceux « en coton » selon le vocabulaire employé par la dermatologue, et les « chirurgicaux » et les « grands publics » selon celui employé par l’AFP.

En marquant que selon Claude Verres : « les masques chirurgicaux ne “sont pas très protecteurs” et que les masques en coton deviennent des “nids à microbes en quelques heures”, deux théories déjà contredites par des experts à l’AFP», la réponse de l’AFP ne laisse planer aucun doute quant au fait qu’elle réfute les deux « théories ». Tant celle concernant les masques chirurgicaux que celle sur ceux en coton.

Fouillons un peu pour voir ce que relate la presse concernant ces masques chirurgicaux. France 3 nous explique qu’ils sont seulement hermétiques aux bactéries à hauteur de 95% – 98% (voir chiffres en fin d’article), laissant donc potentiellement passer entre 2 et 5% de particules et de bactéries.

La chaîne du service public ajoute: « Les masques chirurgicaux sont destinés à éviter la projection vers l’entourage des gouttelettes émises par celui qui porte le masque. Ils protègent également celui qui le porte contre les projections de gouttelettes émises par une personne en vis-à-vis. En revanche, ils ne protègent pas contre l’inhalation de très petites particules en suspension dans l’air.»

Traduction : Les masques chirurgicaux protègent contre les gouttelettes, mais pas contre les « très petites particules ». Comprenez par là, ils ne protègent pas parfaitement contre les bactéries et les microbes qui passent à travers eux à hauteur de 2 à 5%.

Les Décodeurs, le service de vérification du quotidien Le Monde, anglent l’un de leurs papiers sur les raisons poussant les fabricants de masques à noter sur leur boite que ces-derniers ne protègent pas contre les bactéries et les virus.
 

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Photo d’illustration du Monde légendée ainsi : « Cette publication, très populaire, prétend dévoiler la preuve de la supposée inutilité des masques. CAPTURE D’ECRAN FACEBOOK ».

Le journal écrit : « les masques antiprojections, dits « chirurgicaux », conçus pour un usage médical, qui ont pour vocation principale d’éviter que ceux qui les portent ne rejettent des sécrétions dans l’air et contaminent les autres. (…). La pénurie de masques chirurgicaux a poussé les autorités à réserver ces derniers en priorité au personnel soignant et à favoriser l’émergence d’un troisième type de masques : le « masque barrière » destiné au grand public (…) Ces derniers ne respectent pas, pour l’heure, de normes à proprement parler (contrairement aux masques à usage médical). ».

Le Monde confirme le consensus général trouvé autour du fait que les masques servent avant tout à protéger de nos postillons les personnes présentes autour de nous, mais à la différence de France 3, le quotidien traite cette fois de ces fameux masques qu’il nomme, à l’instar de l’AFP, « grand public » et que Claude Verres, la dermatologue interrogée dans Hold Up, qualifiait « d’en coton » (auxquels on pourrait également ajouter ceux confectionnés en tissu, en soie ou avec tout autre textile).

Pour autant, la conclusion du journal à leur sujet est claire et concise : « Ces derniers ne respectent pas, pour l’heure, de normes à proprement parler (contrairement aux masques à usage médical) ».

C’est à dire que selon les Décodeurs du Monde, tout autre masque qu’un masque chirurgical ne vous protège pas (en juillet 2020, date de parution de l’article) contre les bactéries et autres particules circulant dans l’air.

Fatalement, votre masque « grand public » peut donc potentiellement contenir des « microbes », même si vous le manipuliez parfaitement et même si vous le changiez toutes les 4h (ce que l’on fait rarement avec des masques lavables).

Les Décodeurs poursuivent et s’interrogent sur l’objet initial de leur article : « Pourquoi, alors, lit-on sur des boîtes de masques qu’ils ne protègent pas contre le SARS-CoV-2 ? Tout simplement parce qu’ils ne sont pas conçus pour offrir une protection individuelle à leur porteur, mais pour contribuer à des mesures collectives visant à limiter la propagation du virus responsable du Covid-19. ».

Le journal ajoute : « Une simple recherche en ligne donne d’autres exemples du même type. Par exemple, un vendeur de masques médicaux précise que « ces masques d’hygiène ne protègent pas contre l’inhalation de bactéries, particules fines ou encore de virus, ils servent à protéger les autres des postillons du porteur du masque ». Un vendeur de masques barrières grand public précise, quant à lui, que son produit filtre plus de 70 % des particules « émises » par le porteur et pas celles inhalées. Et ainsi de suite. »

Rappelons que la question que nous soulevons ici ne porte pas sur l’utilité du port du masque par le grand public, mais bien sur l’éventualité que le masque que vous portez puisse contenir des bactéries.

Si l’on reprend ce que nous venons de lire dans les décodeurs du Monde :« un vendeur de masques barrières grand public précise, quant à lui, que son produit filtre plus de 70 % des particules « émises » par le porteur et pas celles inhalées. », on en conclue donc à nouveau que le masque « grand public » ou « en coton » ne protège pas contre les inhalations de particules, de virus ou de bactéries.

Soit, peu ou prou, ce que disait Claude Verres lorsqu’elle affirmait que les masques « en coton sont des nids à microbes en quelques heures ».


Plus étonnant encore dans ce passage, Le Monde explique, et toujours en se fondant sur l’avis d’un fabriquant, que même le masque médical « ne protège pas contre l’inhalation de bactéries, particules fines ou encore de virus ».

Autrement dit, quand Claude Verres affirme que les masques chirurgicaux « ne sont pas très protecteurs » et que l’AFP la contredit, si l’on prend en compte les conclusions exprimées par Le Monde, celles de France 3 et que l’on part du principe qu’une partie certaine de la population utilisant ces masques chirurgicaux ne respecte de toute manière pas scrupuleusement les recommandations d’usage, on peut alors, sans craindre d’être à son tour contredit, affirmer que l’AFP donne ici une information erronée, ou à minima infondée.

Au final, tant au sujet des masques chirurgicaux que ceux « grand public », il est impossible de dire, comme le fait l’AFP, que « ces 2 théories sont fausses ».
 


Troisième point : l’AFP explique que le documentaire Hold Up annoncerait que la Suède aurait été épargnée alors qu’elle n’a pas été confinée.

Pourquoi la démonstration de l’AFP ne tient pas.

L’AFP fait référence au passage se déroulant à partir de 10 ’22 (dans la version de Hold Up de 2h49). Dans cette séquence du film, on observe, sous forme de graphiques, la courbe de mortalité imputée à la Covid-19 dans différents pays européens au cours de l’année 2020.

On y voit d’abord celui correspondant à la France, puis celui de l’Allemagne, de l’Italie et du Royaume-Uni. Visuellement, les graphiques qui nous sont présentés évoluent tous de la même manière en terme de dynamique de courbes. Sur chacun d’entre eux, on constate un pic de mortalité durant le printemps et une courbe qui s’aplatit ensuite jusqu’en septembre, avant de connaître un léger rebond en octobre.
Pendant que nous consultons ces images, le narrateur raconte : : « Alors que toutes les courbes en Europe montrent que le danger était déjà loin derrière… ».
A ce moment-là, le graphique de l’Irlande nous est présenté, et la voix off continue sur un ton ostensiblement sarcastique : « L’Irlande avec 3 morts (ndla : en octobre)… reconfine. ». Le graphique de la Suède apparaît alors à l’écran, le narrateur embraie : « Quant à la Suède, qui n’a pas confiné, les chiffres parlent d’eux mêmes. Inutile d’en rajouter ».

Est alors projeté un montage où les graphiques français et suédois se font face. Les pics du printemps pour chacun des deux pays sont entourés et la moyenne de morts par jour qu’ils représentent est notée à l’écran. 1438 morts de moyenne par jour dénombrés au printemps sur le graphique de la France, contre 111 par jour sur celui de la Suède. Les rebonds d’octobre sont entourés à leur tour et leur moyenne également inscrite à l’écran : 162 morts/jour en France, contre 0 en Suède.


Ainsi se termine ce passage du documentaire sans plus de commentaire ni d’image (ndla : l’idée n’étant pas de se pencher sur la véracité des propos tenus dans Hold Up, mais bien de se consacrer à la vérification des informations apportées par l’AFP, l’enjeu ici n’est donc pas de vérifier si les chiffres qui sont annoncés sont justes).

L’AFP reproche ici à Hold Up de vouloir faire croire que la mortalité de 111/jour en Suède contre 1438 en France prouverait que l’absence de confinement serait moins mortelle que si vous en subissiez un, puisque la Suède a connu numériquement moins de décès que la France.

Voici comment s’articule cette partie de l’article de l’AFP :

« La Suède épargnée sans confinement

Les auteurs de cette vidéo comparent les pics de décès journaliers entre la France et la Suède, qui a mené une stratégie moins stricte que la plupart des pays européens face au coronavirus. Preuve selon les auteurs de l’inefficacité du confinement, la Suède comptait 115 morts (ndla : le documentaire annonce 111 morts, et non 115) par jour au plus fort de la crise mi-avril contre 1.483 en France (ndla : Hold up cite le chiffre de 1438 morts, et non 1483). »

Cette interprétation de l’AFP est très subjective.

En effet, on peut tout aussi bien imaginer que le réalisateur voulait, en nous montrant cette séquence, plutôt nous convaincre que sans avoir confiné au printemps et avec 0 mort en octobre, la Suède s’en tirait mieux que la France, qui, elle, a exercé un confinement strict au printemps et qui au final comptait tout de même une centaine de morts en moyenne par jour en octobre.

Le raisonnement contenu dans Hold Up que pense deviner l’AFP paraît fragile, mais il semble néanmoins compréhensible que l’agence de presse puisse l’interpréter de la sorte, puisque le narrateur laisse volontairement le champ libre à l’analyse : « Quant à la Suède, qui n’a pas confiné, les chiffres parlent d’eux mêmes. Inutile d’en rajouter ».

Soit. Suivons la grille de lecture de l’AFP et partons de l’idée que la voix off voulait bien nous alerter qu’avec 111 morts par jour en Suède, contre 1438 en France, l’écart de 1327 morts signifierait que l’absence de confinement aurait « épargné » la Suède.

Dans ce cas, il est facile de révéler l’absurdité d’un tel raisonnement, ce que ne manquera pas de faire l’AFP, qui reprend logiquement la moyenne de morts imputés au Covid pour ces deux pays et la recalcule en tenant de compte de la taille de leur population.

Ainsi, l’AFP écrit : « Mais lorsque l’on rapporte ces chiffres à la population des deux pays, on s’aperçoit que les taux de mortalité sont assez proches et ce malgré une densité de population moindre en Suède, selon les données récoltées par l’AFP. ».

En résumé : Non, la Suède, qui n’a pas confiné, n’a pas été épargnée par le coronavirus comparée à la France, puisque si l’on compare le taux de mortalité des deux pays en tenant compte de leurs démographies, leurs résultats « sont assez proches ».

Alors que le narrateur voulait vraisemblablement plutôt indiquer l’absence de mort en octobre en Suède, si l’on s’en tient à l’interprétation de l’agence de presse, celle-ci a dans ce cas bien eu raison d’apporter cet éclaircissement.

Pour autant, l’AFP fait un raccourci en affirmant que les taux sont « assez proches », puisqu’au moment où ces lignes ont été écrites, soit 9 jours après la parution de l’article de l’AFP, le taux de mortalité de la France pour 100.000 habitants est de 72,54 contre 62,91 en Suède (selon les chiffres mis quotidiennement à jour par la Jonhs Hopkins University of Medecine, l’une des références mondiales dans le domaine). Soit tout de même un différentiel de plus de 15% en défaveur de la France.

S’il ne s’agissait là que de la seule approximation proposée par l’AFP dans cette partie de son article, il n’y aurait pas matière à le lui reprocher outre mesure. Sauf que d’autres points posent davantage problème. Constatez par vous-même.

Déjà, contrairement à son intention initiale, en étant arrivé à la conclusion que «  les taux de mortalité sont assez proches » entre les deux pays, l’agence de presse démontre indirectement que le confinement français n’aurait rien changé ou presque, puisque lorsqu’on compare un pays qui ne l’a pas adopté avec un autre qui l’a strictement imposé, on se retrouve in fine avec plus ou moins le même nombre de morts par habitant… voire même avec 15% de morts supplémentaires dans le pays qui a confiné.

L’AFP, qui a conscience de ce qu’elle suggère là, propose une explication à cette anormalité : «  on s’aperçoit que les taux de mortalité sont assez proches (ndla : entre France et Suède) et ce malgré une densité de population moindre en Suède ».

En décidant de nous alerter sur le fait que la densité est plus faible en Suède, comparée à celle de la France, l’AFP semble vouloir nous faire prendre conscience que si les taux de mortalité attribués à la Covid-19 sont plus ou moins similaires entre les deux pays, la France qui, elle, compte des zones plus densément peuplées, s’en sort finalement mieux que le pays scandinave, puisqu’une densité plus importante de population sous-entend qu’elle est un facteur aggravant de la propagation d’un virus entre individus (chose sur laquelle nous pouvons tous tombés d’accord).

Et pour nous convaincre encore davantage de la chose, l’AFP oppose l’exemple du Portugal : « Le Portugal, qui possède une population comparable à celle de la Suède et qui a mis en place un confinement strict au printemps, a un taux de mortalité deux fois inférieur à celui de la Suède. ».

Preuve est donc faite, selon l’argumentation déployée par l’Agence France Presse, qu’à population égale, entre un pays qui confine et un autre qui ne confine pas, on a une différence allant du simple au double en faveur de celui qui a confiné.

L’Agence France Presse répète d’ailleurs là le même argumentaire qu’elle avait déjà formulé quelques heures plus tôt dans un autre article, lui-aussi écrit pour débunker Hold Up.
 

« À population égale », mais plus à densité égale.

Là où le raisonnement est au minimum trompeur à plusieurs titres, c’est que dans un premier temps, l’agence de presse laisse sous-entendre que les confinements français et portugais seraient du même acabit. L’AFP parle d’un « confinement strict » imposé par l’État lusitanien à sa population.

Or, là où au printemps en France le pays a été totalement mis à l’arrêt et une très large part de la population active confinée chez elle, le Portugal a de son côté laissé continuer sa population à travailler, et donc à pouvoir sortir de chez elle. « Seules les personnes porteuses du coronavirus ou soupçonnées de l’être sont soumises à un confinement obligatoire. » précisait à Ouest-France Antonio Costa, le premier ministre portugais. Les mouvements d’individus furent ainsi à l’époque moins nombreux en France qu’au Portugal. Les confinements français et portugais, bien que proches dans les restrictions qu’ils imposaient, ne sont dès lors pas intrinsèquement comparables.

D’autant que l’ensemble du développement de l’AFP n’a ni queue ni tête.

En effet, dans un premier temps l’agence de presse nous explique pour contrer l’idée que la Suède aurait été épargnée sans avoir confiné, qu’en réalité la France et le pays scandinave ont un taux de mortalité très proche l’un de l’autre, mais que parce que la densité suédoise est plus faible, cela impliquerait que la Suède a payé un plus lourd tribu. De quoi pouvoir en déduire que le confinement a bien eu un effet bénéfique en France.

Puis comme pour mieux nous convaincre, l’AFP nous propose l’exemple portugais en ne prenant cette fois plus du tout en référence la densité de population, mais en se basant uniquement sur la taille de la population des deux pays. On a du mal à suivre, du coup. Parce que si Suède et Portugal ont bien une population équivalente (environ 10 millions d’habitants chacun), ils n’ont pas du tout la même densité. Loin de là. Quel indicateur prendre du coup pour départager deux pays ? La densité ou la taille de la population ?

En comparant les densités entre les différents pays sur le site officiel de l’ONU dédié au traitement de la population mondiale, et toujours dans le souci de tenter d’évaluer si l’absence de confinement en Suède a pu avoir un effet négatif sur le taux de mortalité du pays, ce qui corroborerait les arguments avancés par l’AFP, on constate (tableau excel à télécharger), qu’en 2020, la densité au Portugal est de 111,3 habitants par km² contre seulement 24.6 hab/km² en Suède. Soit un facteur positif supplémentaire en faveur du Portugal dans ce duel l’opposant au pays scandinave, puisque leurs taux de mortalité respectifs sont de 62,91 pour 100.000 habitants côté suédois contre 37,19 au Portugal.

Par ailleurs, la densité portugaise est très proche de celle de la France qui compte, elle, 119,2 hab/km². Autant dire que si l’on prend l’argument de la densité pour différencier deux pays, comme l’AFP a pu le faire entre Suède et France, dans ce cas la seule comparaison qui puisse être viable avec ce critère, c’est uniquement celle opposant France et Portugal. Et à ce jeu, l’écart entre Portugal et France varie presque du simple au double : 37,19 morts pour 100.000 habitants pour le Portugal, contre 72,54 côté français.

Quand l’AFP se sert du Portugal pour démontrer pourquoi la Suède ne s’en tire pas si bien avec la gestion de cette maladie, elle accepte donc par la même de tirer les mêmes conclusions concernant la France qui, elle, a pourtant strictement confiné.

Vous reconnaîtrez que la démonstration est au minimum illogique et contre-productive dans la prise de conscience qu’espère inspirer l’AFP.
On nous explique que les taux de mortalité similaires ne sont pas nécessairement comparables lorsqu’il existe une différence de densité de population, mais qu’en revanche deux pays diamétralement opposés géographiquement en Europe et avec des environnements totalement différents, seraient bien plus scientifiquement comparables pour la seule et unique raison qu’ils ont un nombre d’habitants équivalent ? D’autant que le choix du Portugal est étonnant de la part de l’AFP dans sa volonté de le comparer à la Suède. On comprend que l’Agence France Presse désirait trouver un équivalent à la Suède en terme de population, mais il paraît cependant surprenant d’avoir opté pour une nation si éloignée. La morphologie et la génétique des habitants de ces deux contrées l’étant tout autant. On s’imaginerait plutôt chercher une comparaison plus viable en optant pour des voisins plus proches de la Suède.

Il existe notamment un autre pays comprenant environ 10 millions d’habitants en Europe, qui a également confiné, qui est plus proche géographiquement de la Suède que le Portugal et qui a un taux de mortalité largement supérieur à celui du pays Scandinave : la Belgique (11,4 millions d’habitants) qui possède le taux de mortalité le plus élevé au monde avec 135,89 morts pour 100.000 habitants.

En se fondant sur cette seule méthodologie de comparaison basée sur la taille de la population, nous pouvons donc affirmer que la Belgique qui a pourtant bien confiné a connu beaucoup plus de morts de la Covid-19 que la Suède, qui, elle, ne l’a pas fait. Preuve par l’absurde que la comparaison entre Suède et Portugal n’apporte aucune information pertinente, puisqu’en se basant sur les mêmes critères de comparaison, on peut tout à fait arriver au résultat totalement contraire. Face à cette démonstration, peut-être l’AFP expliquerait-elle alors que la densité belge surclassant la suédoise (382 hab/km², contre 24.6), ceci pourrait expliquer cette différence de mortalité ? De quoi alors tourner indéfiniment en rond, puisque la densité portugaise (111,3) est déjà largement supérieure à celle de la Suède (24,6).

Déroulons néanmoins le fil jusqu’au bout. Si l’on voulait pousser la démonstration encore plus loin, et du coup trouver un exemple de pays avec une densité proche de celle de la Suède, ceci pour tenter de se faire un avis comparatif avec ce critère de sélection que choisit l’AFP lorsqu’elle souhaite relativiser les chiffres suédois qu’elle compare aux français, il existe alors un pays idoine : la Finlande. Même si cette nation compte moitié moins d’habitants que la Suède (5,5 contre 10,3 millions d’habitants), elle offre l’avantage d’avoir une densité de population très proche de celle de la Suède (18,2 hab/km² en Finlande contre 24.6 en Suède) et des conditions de vie globalement similaires, puisqu’ils sont deux États voisins.

Autre argument de poids pour comparer ces deux nations, plutôt que d’opter pour le Danemark ou la Norvège, ou pire le Portugal, la Finlande est aussi depuis le début de cette crise sanitaire l’un des pays ayant été le moins restrictif en Europe envers sa population. Elle n’a imposé aucun confinement. Si elle a bien fermé ses bâtiments publics (administration, théâtres, etc), les bars et restaurants de Finlande sont restés ouverts à la vente à emporter et les finlandais, s’ils ont été invités à limiter leurs déplacements, n’ont jamais été contraints de s’y soumettre. Seuls les mouvements de population depuis et vers la capitale Helsinki, foyer de l’épidémie, ont été interdits pendant 3 semaines, tandis que le transport de marchandises continuait, lui, de fonctionner sans restriction. Il n’y a donc pas eu de confinement en Finlande.

Résultat, le taux de mortalité attribué à la Covid-19 est encore plus faible en Finlande (6,80/100.000 habitants) qu’en Suède (62,91). Cet autre pays scandinave s’est donc bien mieux sorti de la crise sanitaire que son voisin. Si la Suède, sans avoir confiné, se situe environ dans les clous français en terme de mortalité attribuable au Covid (62,91 contre 72,54), il est toutefois ostensible que la Finlande, elle, s’en tire bien mieux que la France (6,80 contre 72,54), et même que le Portugal (6,80 contre 37,19) pourtant pris en exemple par l’AFP.

Synthétisons à présent cette démonstration particulièrement alambiquée proposée par l’AFP :

1/ La Suède et la France ont presque le même taux de mortalité concernant la Covid-19…
2/ …  mais la densité suédoise bien inférieure à la française relativise l’importance de la mortalité en France.
3/ Si l’on voulait comparer plus efficacement la Suède avec un autre pays, il faudrait dans ce cas choisir le Portugal, non pas car il a une densité proche de celle de la Suède, mais uniquement parce qu’il a un nombre total d’habitants équivalent…
4/ … En revanche, si l’on souhaitait plutôt comparé Belgique et Suède en tenant compte de ce même critère propre à la taille de population d’un pays, l’effet inverse serait constaté puisque le pays scandinave a enregistré nettement moins de morts que la Belgique.
5/ Et si la densité belge devait alors être évoquée pour discréditer la comparaison entre Suède et Belgique, dans ce cas le pays dont la densité et le mode de vie se rapprocherait le plus de celui de la Suède serait l’exemple de la Finlande, autre pays scandinave qui au final a connu nettement moins de morts pour 100.000 habitants que la Suède, la France, la Belgique et le Portugal.

Ainsi, toujours en suivant cette logique déployée par l’AFP, la Finlande, qui n’a pas confiné, serait dans ce cas le parfait exemple pour démontrer que le confinement ne sert à rien…

Bref, on s’y perd plus qu’un peu dans cette explication de l’AFP.

De nouveau, il ne s’agit certainement pas ici de juger si le confinement sert ou ne sert pas à quelque chose, en revanche on peut tout à fait affirmer que selon la logique déployée par l’AFP, il semble in fine impossible de se baser sur ces seuls critères (densité ou taille de population) pour tirer des enseignements qui soient viables. D’autres éléments tels que l’ouverture ou la fermeture des frontières, l’isolement d’une région plus touchée qu’une autre, la disponibilité des tests, les protocoles médicaux adaptés selon les pays, et tant d’autres points, semblent tout aussi importants à prendre en compte si l’on souhaite comparer de manière fiable la mortalité des pays entre eux.

En étant qui plus est sceptique sur le fait qu’Hold Up souhaitait affirmer que la Suède avait été épargnée au seul regard de la différence de mortalité journalière entre France et Suède, la démonstration du documentaire portant vraisemblablement davantage sur l’absence de deuxième vague en Suède malgré le choix de ne pas avoir confiné pendant la première, l’AFP a de toute manière usé d’arguments trompeurs dans sa démonstration, tout en développant une logique qui ne tient pas mathématiquement.

Vouloir comparer des pays entre eux avec aussi peu de critères pris en compte ne peut pas être considéré comme viable d’un point de vue scientifique. Pour preuve, voyez comment en fonction du critère choisi, on peut tout à fait faire dire ce que l’on souhaite aux chiffres selon les pays que l’on compare.

Comme le fait l’AFP, en se basant sur le nombre de morts par pays pour 100.000 habitants, si l’on se fie uniquement à la taille de la population plus ou moins égale entre 2 pays, on obtient :
Suède vs Portugal : 62,91 vs 37,19
Suède vs Belgique : 62,91 vs 135,89
Portugal vs Belgique : 37,19 vs 135,89
=> Conclusion : Dans un cas un pays qui a confiné obtient de meilleurs résultats (Portugal versus Suède), dans un autre le résultat inverse est observé (Suède versus Belgique).

Si l’on se fie plutôt aux pays qui n’ont pas confiné contre ceux qui l’ont fait (plus ou moins strictement) :
Finlande vs Belgique : 6,80 vs 135,89

Finlande vs Portugal : 6,80 vs 37,19
Finlande vs France : 6,80 vs 72,54
Suède vs Belgique : 62,91 vs 135,89

Suède vs France : 62,91 vs 72,54

Suède vs Portugal : 62,91 vs 37,19

=> Conclusion : excepté le cas suédois comparé au portugais, tous les autres exemples montrent un avantage net en terme de taux de mortalité en faveur des deux pays qui n’ont pas confiné.

Enfin, si l’on observe plutôt l’opposition, qui semble être la plus fiable des trois, entre deux pays ayant à la fois une densité équivalente tout en ayant opté pour des mesures similaires :
France vs Portugal 72,54 vs 37,19
Suède vs Finlande 62,91 vs 6,80
=> Conclusion : À critères plus ou moins égaux, on constate que la France s’en tire moins bien que le Portugal, tandis que la Suède a un bilan bien plus négatif que celui de la Finlande.

En résumé, quelle que soit la formule retenue, aucun élément ne permet d’affirmer ou d’infirmer que le confinement a eu un impact positif sur la mortalité d’un pays.
 


Quatrième point : Selon l’AFP, affirmer que « les patients âgés atteints du Covid-19 reçoivent une “seringue de Rivotril pour les achever complètement alors qu’ils étaient en détresse respiratoire. » est erroné.

Pourquoi c’est faux.

Le passage de l’article est court :
« Un peu plus tard, le pharmacien Serge Rader affirme (ndla : dans Hold Up) que les patients âgés atteints du Covid-19 reçoivent une “seringue de Rivotril pour les achever complètement alors qu’ils étaient en détresse respiratoire”. Cette interprétation est fausse. Le Rivotril n’est pas utilisé pour “achever” les malades ou les “euthanasier”, comme l’évoquaient déjà des intox démenties par l’AFP en avril dernier. »

Pour comprendre, pourquoi cette interprétation est fausse selon l’AFP, il nous faut donc étudier l’article qu’elle propose en lien et qui est ainsi titré : Covid-19 : non, le gouvernement n’a pas autorisé l’euthanasie des personnes âgées.

Dans ce second papier, l’agence de presse énumère les déclarations de différentes personnes ayant dénoncé l’autorisation faite de prescrire du Rivotril pour « euthanasier » la population la plus âgée. Dans ces personnes, on retrouve Serge Rader, le pharmacien présent dans Hold Up et déjà cité par l’AFP.

L’Agence France Presse persiste et signe en concluant cet article de la même manière qu’elle ne l’avait fait dans l’autre : « “On les achève par voie injectable, c’est tout à fait scandaleux, tous ça (sic) parce qu’il n’y a plus de place” dans les hôpitaux, insiste Serge Rader dans cette interview. Mais ces interprétations sont fausses. »

Et pour nous le démontrer, l’AFP explique, voire insiste :
« A l’appui de ces affirmations, Serge Rader comme Gilbert Collard évoquent un décret du 28 mars paru au Journal officiel du 29, qui porte sur les modalités de délivrance du médicament Rivotril.
Ce décret, qui concerne aussi le paracétamol sous forme infectable
(ndla : injectable), vient, jusqu’au 15 avril,”adapter le cadre réglementaire visant à permettre l’accès à certains produits indispensables dans la prise en charge optimale des patients COVID”, a indiqué à l’AFP la direction générale de la Santé (DGS). 

La partie sur le Rivotril concerne explicitement les soins palliatifs, qui sont des “soins actifs” destinés à “soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade, selon la définition de la Société française de soins palliatifs. (…) “Il ne s’agit pas d’un assouplissement des modalités d’usage mais uniquement de ses modalités de dispensation, afin d’améliorer la prise en charge palliative des patients le nécessitant dans les EHPAD”, explique aussi la DGS. (…) Ce type de médicament est utilisé dans le cadre des soins palliatifs pour endormir profondément (sédater) le patient et lui éviter de souffrir, comme mentionné ici par l’Agence du médicament. (…) « Non, prescrire du Rivotril ne revient pas à euthanasier les patients âgés », explique la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) dans un communiqué, publié suite aux interprétations erronées du décret.

Administrer du Rivotril à un patient ne veut pas dire arrêter les soins“, insiste Olivier Guérin, professeur de gériatrie au CHU de Nice, cité dans le communiqué de la SFGG.

“Cette molécule est un sédatif (et non un produit létal comme cela a été faussement écrit dans certaines publications récentes) utilisé quand les malades souffrent d’une atteinte pulmonaire telle qu’il y a un risque de suffocation, dit aussi l’Association pour le droit de mourir dans la dignité dans un texte publié sur son site (…).

” (…) Pour les patients dont le pronostic vital est engagé à très court terme, cette molécule peut permettre une sédation profonde et continue“, explique encore l’ADMD.

Non l’utilisation du Rivotril dans ces conditions n’entraîne pas la mort. (…), dit aussi la DGS à l’AFP.

“Associer cette amélioration de la prise en charge à autre chose que ce qu’elle est, est une erreur d’interprétation et ça n’est en aucun cas l’objet du décret”, ajoute le ministère.

“Il s’agit, au contraire, lorsque la situation se dégrade et dans certaines circonstances d’un accompagnement pour soulager sa souffrance en le plaçant dans une sédation lorsque la détresse respiratoire devient insupportable, mais il ne s’agit certainement pas, encore une fois d’un médicament destiné à pratiquer une euthanasie. L’asphyxie en fin de vie est inacceptable », dit encore le Pr Guérin. (…) L’euthanasie reste interdite en France. », conclue finalement l’AFP après ce long plaidoyer.


Pour l’agence de presse, la raison première pour utiliser le Rivotril est donc strictement limité aux soins palliatifs, afin de « soulager la douleur » de manière à « endormir profondément » les patients qui le reçoivent. « Administrer du Rivotril à un patient ne veut pas dire arrêter les soins », il est uniquement utilisé comme « sédatif », il « n’entraîne pas la mort », d’autant que « l’euthanasie reste interdite en France ».

Toutefois, l’agence de presse précise en citant l’ADMD que « Pour les patients dont le pronostic vital est engagé à très court terme, cette molécule peut permettre une sédation profonde et continue ».

Cette phrase résume de manière simple le discernement nécessaire à faire autour de cette question. Le Rivotril, sans être une dose létale en soi, a-t-il néanmoins pu servir d’accélérateur de décès dans certaines situations ? Les témoignages allant dans ce sens et contre les conclusions de l’AFP sont légion. Ils émanent de personnes ou d’entités respectées et reconnues dans leurs domaines respectifs que peuvent être le journalisme, la science ou la médecine.

Le premier d’entre eux est l’hebdomadaire allemand Die Zeit, particulièrement réputé outre-Rhin pour ses papiers étayés, qui dans un article daté du 25 avril 2020 titrait : « Qu’a fait la France aux anciens ? ». Avant d’ajouter : «  Sédaté au lieu d’être sauvé: en France, il existe de plus en plus de preuves que les patients ont été sélectionnés par âge au plus fort de la pandémie. ».

Le quotidien allemand raconte : « Paris. Le matin du 15 avril, Gabriel Weisser a reçu un appel. Un médecin l’a informé que sa mère avait le coronavirus. “Il a dit qu’il était avec elle à la maison de retraite vers 5h30 du matin”, raconte Weisser, qui vit à Blodelsheim en Alsace. Elle avait de la fièvre et toussa. “La seule chose qu’il a faite a été de lui prescrire des médicaments palliatifs. Donc, en réalité, il ne l’a pas traitée du tout. Elle a été condamnée à mort.” sanglote Gabriel Weisser. Sa mère Denise avait 83 ans. ».

Le journal poursuit : « Sa fièvre n’était que légère le matin et sa capacité pulmonaire était toujours de 85%, dit Weisser. Néanmoins, le médecin n’a même pas essayé de la guérir, mais a plutôt prescrit des médicaments qui lui permettaient de dormir paisiblement sans douleur – et ce, sans même en parler au préalable à Gabriel et à ses frères et sœurs. Il ne l’a appelée que cinq heures plus tard et l’a informée de sa décision. Le même après-midi, une infirmière a trouvé la mère de Weisser morte au lit.

« Vous auriez au moins pu essayer », insiste Weisser. “Faire cela aux personnes âgées dans un grand pays comme la France, la terre des droits de l’homme, est terrible.

“L’accès aux hôpitaux a-t-il été rendu difficile ? », s’interroge Die Zeit.

« Les patients âgés étaient-ils systématiquement désavantagés en France lors du pic [de la pandémie] ? Des histoires comme celle des Weissers, mais aussi beaucoup d’autres choses, le montrent. Le gouvernement affirme officiellement que le système de santé était à la hauteur du grand nombre de patients et qu’il n’y a pas eu de tri, de sorte que les hôpitaux n’avaient pas à choisir entre ceux qu’il fallait traiter et ceux dont il fallait faciliter la mort. Mais que se passerait-il si les hôpitaux n’étaient pas surchargés parce que les patients n’y étaient même pas arrivés?

« On a veillé à ce que les personnes issues des maisons de retraite ne viennent plus dans les hôpitaux », explique Michel Parigot. Il se bat pour plus de transparence et d’équité dans les soins de santé depuis le milieu des années 1990. A l’époque, il mettait en garde la France contre les risques liés à l’amiante
(…) Avec d’autres militants anti-amiante, il a fondé l’alliance “Coronavictimes” (…). Depuis des semaines, Parigot accuse les responsables en France de désavantager systématiquement les personnes âgées dans la crise du Covid.
(…)
Le militant, qui travaille à plein temps comme mathématicien au CNRS, affirme qu’un regard sur les chiffres le montre: sur les quelque 20 000 décès attribués au Covid-19 en France à ce jour, plus de 8 000 sont morts dans des maisons de retraite. L’Organisation mondiale de la santé a déclaré lors d’une conférence de presse jeudi que jusqu’à 50% des décès en Europe pourraient provenir de maisons de retraite.
(…)
Mercredi, les journalistes d’investigation du journal Le Canard Enchaîné ont cité un règlement administratif interne que le ministère de la Santé aurait publié le 19 mars pour les établissements médicaux. Il déclare que les médecins sont instamment priés de réduire considérablement l’accès des patients fragiles aux unités de soins intensifs. Les statistiques de l’administration hospitalière de Paris, dont dispose ZEIT ONLINE, montrent que la structure par âge des patients des unités de soins intensifs a en fait sensiblement changé dans les jours qui ont suivi la publication du règlement. Alors qu’environ 20% des patients en soins intensifs avaient plus de 75 ans le 21 mars, leur part n’était plus que de 7% deux semaines plus tard»

Cet article de l’hebdomadaire allemand est si riche en informations qu’il convient de le résumer pour en prendre la mesure :

1/ Alors que son état n’indiquait rien de préoccupant, la mère d’un homme est morte du Covid sans avoir été hospitalisée. Selon son fils, des soins palliatifs lui ont été administrés sans que sa famille n’ait été mise au courant. Le journal affirme que ce cas n’est pas esseulé.

2/ Michel Parigot explique qu’une partie importante des personnes en EHPAD n’a volontairement pas été hospitalisée. Une information qu’il met en relation avec les « 8,000 personnes » décédées en maisons de retraite en France (décompte arrêté en avril 2020) et dont la mort a été attribuée à la Covid-19.

3/ Le journal cite un article du Canard Enchaîné du 22 avril 2020 qui avait publié la teneur d’une circulaire du Ministère de la Santé du 19 mars 2019 dont « le document suggérait de limiter fortement l’admission en réanimation des personnes les plus fragiles. ».

4/ Les deux hebdomadaires, français et allemand, affirment également que suite à cette circulaire, et en se basant sur un document de l’Assistance Publique de Paris, il a été très rapidement constaté une chute du nombre de patients les plus âgés hospitalisées en soins intensifs. Pour Die Zeit et le Canard : « environ 20% des patients en soins intensifs avaient plus de 75 ans le 21 mars,  leur part n’était que de 7% deux semaines plus tard. ».

Le Canard Enchaîné ajoutera même que : « pour les plus de 80 ans, l’évolution est plus frappante encore : en quinze jours, le taux est passé de 9 à 2 % ! ».

A ce stade, même en prenant en considération le témoignage de Monsieur Weisser concernant le décès de sa mère et en n’ignorant pas les conclusions de Die Zeit quant à la probabilité qu’il ait été utilisé dans ce sens, il est impossible de définir avec certitude s’il y a eu usage du Rivotril, ou de tout autre sédatif, pour provoquer la mort des personnes les plus âgées.

En revanche, il est bien avéré, via la circulaire du ministère de la Santé, ainsi qu’après lecture des chiffres divulgués par l’Assistance Publique de Paris, qu’il y a bien eu une volonté politique de décharger les hôpitaux en privilégiant l’entrée en soins intensifs des patients les moins fragiles, au détriment de ceux qui l’étaient le plus, et donc des plus anciens. Un constat que partage également le “quotidien de référence” en France : Le Monde (article accessible uniquement aux abonnés).
 

« Ma première réaction a été : on nous demande de faire une euthanasie passive »
 

France 3, dans le cadre de son émission Pièces à conviction, continuera d’alimenter le débat sur le sujet.
Le site de France Info nous propose un résumé de l’émission de France 3. Un extrait vidéo disponible, d’une durée d’un peu plus de 2 minutes, y est proposé. Dans cette vidéo, on nous confirme que le Rivotril et le Midazolam ont bien été utilisés pour alléger les souffrances de pensionnaires d’EHPAD.

Dans le cadre de cette enquête, Sandra Rotureau, cadre de santé à l’Ehpad public Saint-Roch de Buzançais dans l’Indre, explique : « C’est un sédatif qui les aide à être apaisés, et du coup à décrocher. C’est pour les aider à partir plus vite sans souffrance. Quand on a reçu ces directives, ça nous a choqués, de se dire que là, on ne donnait aucune chance aux personnes âgées de s’en sortir. Voilà, ça c’était notre colère. Ça nous a choqués. Quand une personne âgée n’est pas hospitalisée, et qu’ensuite ce qu’on lui propose, c’est une sédation dès l’instant qu’elle va présenter une détresse respiratoire, ma première réaction a été : on nous demande de faire une euthanasie passive auprès de nos résidents ».

Toujours dans cette enquête de France 3, une médecin d’Ehpad public, ayant souhaité conservé son anonymat, raconte : « En fait, c’était des injonctions paradoxales. J’ai pas le droit de prescrire quelque chose qui pourrait soigner les personnes si elles étaient atteintes. Par contre, je suis autorisée à les faire partir en douceur, comme ils disent, puisque le souci c’était l’asphyxie. Regarder quelqu’un s’étouffer, mourir étouffé, c’est insupportable. On imagine la grande souffrance. On a abrégé les souffrances des gens, donc j’appelle ça : l’euthanasie. Je suis encore choquée par ça. Qu’on nous ait demandé de piquer nos patients pour les faire partir plus vite… c’est insupportable, c’est un sentiment d’horreur. ».

Ces témoignages démontrent qu’une partie du corps hospitalier en Ehpad considère bel et bien que, lorsqu’il a eu à injecter du Rivotril ou à prescrire du Midazolam. il réalisait là une euthanasie de ses patients. De plus, ces témoignages pointent du doigt l’idée que des personnes qui auraient pu être traitées, et donc potentiellement soignées, se sont plutôt vues prescrire un sédatif pour les accompagner vers la mort.

Après avoir pris connaissance de ces déclarations et contrairement à ce que conclut l’AFP, il n’est donc plus possible d’affirmer que l’usage de ces sédatifs seraient strictement limités à endormir profondément des patients.

Denis Robert, le journaliste ayant entre autres permis de révéler l’affaire Clearstream, enfonce le clou. Dans l’un de ses éditos réalisés durant le confinement du printemps 2020 pour le compte du Média TV, il racontait avoir cherché à davantage creuser le sujet, notamment notamment aux prises de position de Serge Rader, 

Dans cette vidéo, Denis Robert explique (ndla : à partir de 15 minutes) avoir reçu le courrier d’un médecin ainsi formulé : « C’est encore pire que de laisser mourir les petits vieux dans les Ehpad, puisque les médecins ont toute latitude pour sédater à mort les patients sans consultation de la famille, ni du collège de médecin qui devrait faire chorus ».

En plus de confirmer les propos de Gabriel Weisser, cité par Die Zeit, sur le fait que les patients étaient sédatés « à mort » sans consultation de la famille, on apprend également que le collège de médecin censé faire chorus dans pareille situation n’est, lui non plus, pas davantage consulté.

Denis Robert poursuit sa démonstration en se référant cette fois à la fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui se revendique elle-même comme « la première force patronale en pharmacie d’officine. ». Dans un article publié sur son site internet, la FSPF explique que le Rivotril est injecté avec « pour objectif la prise en charge palliative des patients confrontés à un état asphyxique et ne pouvant être admis en réanimation ou pour lesquels une décision de limitation de traitements actifs a été prise. ».

La FSPF confirme ainsi, à son tour, que le Rivotril a bien été choisi pour abréger les souffrances de personnes dont l’état s’aggravait et qui ne pouvaient être admises en réanimation ou pour lesquels « une décision de limitation de traitements actifs [avait] été prise ».

C’est d’ailleurs en ce sens que Maître Fabien Arakelian, avocat d’Issy-les-Moulineaux, a rassemblé une quarantaine de plaintes visant les EHPAD pour : non-assistance à personne en danger, homicide involontaire et/ou mise en danger de la vie d’autrui, comme nous le rapporte L’Yonne républicaine, dans son grand format sur le sujet.

Dans cet article, Fabien Arakelian accuse : « Dans ces dossiers, on retrouve très souvent une absence totale d’information et le non-respect flagrant des gestes barrières, détaille le pénaliste. Mais surtout, des structures ont clairement décidé d’elles-mêmes de ne pas hospitaliser, et donc de ne pas sauver, des gens qui étaient parfois en pleine forme. On est vraiment, de mon point de vue, sur un scandale de santé publique. ».

Plusieurs familles ont donc décidé de porter plainte pour réclamer justice après le décès de leurs proches. Elles estiment qu’ils n’ont pas reçu les soins auxquels ils pouvaient prétendre, et qu’au contraire ils ont été achevés alors même que certains étaient « en pleine forme ». Par cette formulation, il faut comprendre qu’ils ne souffraient d’aucune autre pathologie qui aurait pu provoquer leur mort prématurée. Pour simplifier, lorsqu’ils sont tombés malades du Covid, certains d’entre eux n’étaient pas en phase terminale concernant une autre maladie.

Pour conclure, résumons l’ensemble des informations que nous avons pu vérifier sur ce sujet :

– Comme le relataient Le Canard Enchaîné et Die Zeit, le ministère de la Santé a demandé aux EHPAD de ne pas transférer les malades les plus fragiles vers les services de réanimation des hôpitaux. Suite à cette demande, il est constaté une nette baisse des patients âgés hospitalisés en réanimation.

– La décision de sédater les pensionnaires d’EHPAD pour les « accompagner doucement » a été prise sans en avertir les familles et sans qu’aucun collège de médecins ne fasse chorus.

– Des personnels soignants reconnaissent avoir eu le sentiment d’euthanasier leurs patients en n’ayant pas eu le droit de les traiter autrement qu’avec des sédatifs.

– L’ADMD et la FSPF confirment que le Rivotril est bien utilisé pour abréger les souffrances des patients.

– Des plaintes ont été déposées, notamment pour dénoncer le fait que des malades n’ont pas été traités pour tenter de les soigner, alors même que certains étaient en « pleine forme ».
 

Quelle que soit l’analyse que l’on fait sur ce sujet, que l’on considère qu’il y ait eu euthanasie ou que l’on pense plutôt que les malades ont été accompagnés de manière légitime, lorsque l’AFP écrit : « “On les achève par voie injectable, c’est tout à fait scandaleux, tous ça parce qu’il n’y a plus de place” dans les hôpitaux, insiste Serge Rader dans cette interview. Mais ces interprétations sont fausses. ».

C’est en réalité bien l’AFP qui propage une fausse interprétation en contredisant l’avis de Serge Rader, puisque oui, on a bien « achevé » ou « aider à partir » des personnes parce qu’il n’y avait plus de place dans les hôpitaux, ou tout du moins parce qu’on leur en avait refusé le droit d’accès.
 

5ème point : Selon l’AFP, la phrase : « De nombreux intervenants affirment que l’hydroxychloroquine est un traitement contre le Covid, affirmant que ce médicament promu par Didier Raoult a prouvé son efficacité. » est fausse.

Pourquoi la réponse apportée par l’AFP est trompeuse, et implicitement inexacte :

Encore et toujours, il convient de rappeler avant toute chose qu’en aucun cas il ne s’agit ici de chercher à prendre parti sur la question du bien-fondé, ou non, d’utiliser l’hydroxychloroquine comme traitement à la COVID-19. L’enjeu de la démonstration qui va suivre ne porte que sur la volonté de vérifier la véracité des propos et des explications fournies sur le sujet par l’Agence France Presse.

Que dit son article ? « De nombreux intervenants affirment que l’hydroxychloroquine est un traitement contre le Covid, affirmant que ce médicament promu par Didier Raoult a prouvé son efficacité. C’est faux. Depuis le début de l’épidémie, le professeur Raoult a bien rendu publiques plusieurs études mais elles ont été largement critiquées en raison de leurs problèmes méthodologiques importants. Depuis, d’autres études – comme le vaste essai britannique Recovery, la française Hycovid, ou Solidarity, menée dans le monde par l’OMS – sont parvenues à la conclusion que l’hydroxychloroquine n’est pas efficace contre le Covid-19.  » 

Le développement de l’AFP se résume donc ainsi :
1/ De nombreux intervenants estiment que l’hydroxychloroquine promue par Didier Raoult a montré son efficacité.
2/ Faux, rétorque l’AFP, le professeur Raoult n’a jamais été en mesure de proposer une étude fiable qui le prouve.
3/ Pire, puisque trois autres études ont au contraire démontré l’inefficacité de l’hydroxychloroquine contre la Covid-19.

De nouveau, l’argumentaire déployé ici par l’AFP est particulièrement trompeur. Si toutes les affirmations notées ci-dessus sont vraies, la conclusion apportée, elle, ne tient pas. 

Pour appuyer ses affirmations et sa conclusion au sujet de l’inefficacité de l’hydroxychloroquine, l’agence de presse s’appuie sur 3 études scientifiques : Recovery, Hycovid et Solidarity. Les études citées renvoient toutes à un lien vers un site internet propre à chacune d’entre elles. Et comme vous pouvez le constater lorsque vous cliquez dessus, vous arrivez sur une page où vous ne trouvez que peu d’informations vous permettant de corroborer les dires de l’AFP.

Une nouvelle fois, l’Agence France Presse ne facilite pas notre travail de vérification. Cherchons donc par nous-mêmes.

Avant cela, rappelons d’abord que l’AFP parle de « médicament promu par Didier Raoult », mais ce que l’agence de presse omet de préciser c’est que, plus qu’un médicament, le professeur marseillais promeut surtout et avant tout un protocole pour soigner les malades. Il est très important que nous prenions la mesure de cette nuance. Toute l’inexactitude de l’argumentaire de l’agence de presse y prend sa source.

Voici le protocole que Didier Raoult communique sur le site de son IHU : « un traitement par l’association hydroxychloroquine (200 mg x 3 par jour pour 10 jours) + Azithromycine (500 mg le 1er jour puis 250 mg par jour pour 5 jours de plus), dans le cadre des précautions d’usage de cette association (avec notamment un électrocardiogramme à J0 et J2), et hors AMM. Dans les cas de pneumonie sévère, un antibiotique à large spectre est également associé. ».

Le professeur marseillais préconise donc une bithérapie à base d’hydroxychloroquine et d’azithromycine.

Examinons à présent Recovery, la première étude britannique citée par l’AFP censée démontrée pourquoi le traitement proposé par le professeur marseillais ne fonctionne pas. Comme mentionné plus haut, il ne faut pas cliquer sur le lien fourni par l’AFP pour vérifier les résultats de cet essai, mais plutôt sur celui-ci qui vous amènera directement au protocole de l’étude et sur celui-ci où vous pourrez lire le compte rendu officiel des chercheurs en chef de l’essai.

Que peut-on y lire ?

Concentrons-nous uniquement sur les seuls éléments qui nous intéressent : le protocole utilisé par l’étude et les résultats qu’elle obtient.

1/ Les résultats
Dans le compte rendu officiel de l’étude titré : « Aucun avantage clinique pour l’utilisation de l’hydroxychloroquine chez les patients hospitalisés et atteints de COVID-19 », on peut y lire, après traduction, les résultats annoncés par les professeurs Peter Horby et Martin Landray, chercheurs en chef de l’essai :

« L’essai s’est déroulé à une vitesse sans précédent, recrutant plus de 11 000 patients de 175 hôpitaux du NHS au Royaume-Uni. Pendant tout ce temps, le comité indépendant de surveillance des données a examiné les données émergentes environ toutes les deux semaines pour déterminer s’il existe des preuves suffisamment solides pour influer sur le traitement national et mondial du COVID-19»

(…)

« Nous avons conclu qu’il n’y avait aucun effet bénéfique de l’hydroxychloroquine chez les patients hospitalisés pour COVID-19. (…). Nous publions maintenant les résultats préliminaires car ils ont des implications importantes pour les soins aux patients et la santé publique. ». «Un total de 1542 patients ont été randomisés pour recevoir de l’hydroxychloroquine comparés à 3132 patients randomisés pour recevoir les soins habituels seuls. Il n’y a pas eu de différence significative dans le critère principal de mortalité à 28 jours (…)Il n’y a eu également aucune preuve d’effets bénéfiques sur la durée du séjour à l’hôpital ou d’autres résultats. Ces données excluent de manière convaincante tout bénéfice significatif de l’hydroxychloroquine sur la mortalité chez les patients hospitalisés pour COVID-19(,,,) Peter Horby, professeur des maladies infectieuses et de la santé mondiale au département de médecine de Nuffield, Université d’Oxford, et chercheur en chef de l’essai, a déclaré : « (…) L’essai RECOVERY a montré que l’hydroxychloroquine n’est pas un traitement efficace chez les patients hospitalisés pour COVID-19. (…) Martin Landray, professeur de médecine et d’épidémiologie au département de santé de la population de Nuffield, Université d’Oxford, et chercheur en chef adjoint, a déclaré: “ Il y a eu d’énormes spéculations et incertitudes sur le rôle de l’hydroxychloroquine en tant que traitement du COVID-19, mais avec une absence d’informations fiables provenant de grands essais randomisés. Les résultats préliminaires d’aujourd’hui de l’essai RECOVERY sont assez clairs: l’hydroxychloroquine ne réduit pas le risque de décès chez les patients hospitalisés atteints de cette nouvelle maladie. Ce résultat devrait changer la pratique médicale dans le monde entier et démontre l’importance des grands essais randomisés pour éclairer les décisions concernant à la fois l’efficacité et la sécurité des traitements ».

C’est donc sur cette conclusion que se base l’AFP pour dire qu’il est faux d’affirmer « que ce médicament promu par Didier Raoult a prouvé son efficacité. ». 
Il ne viendrait à l’idée à personne de vouloir remettre en question les résultats d’un essai qui a été approuvé par la communauté scientifique. Si cette étude est donc des plus viables scientifiquement, les conclusions qu’en font ses chercheurs en chef, les hypothèses qu’ils soulèvent, le sont-elles aussi pour autant ?
Aucunement ! C’est ce que nous allons comprendre en regardant de plus près le protocole de cet essai.

2/ Le protocole :
Pour pouvoir le consulter, il vous faut vous rendre sur ce document. On y lit, après traduction : « Les patients éligibles seront placés aléatoirement dans l’un des bras énumérés ci-dessous. Les doses de cette rubrique sont destinées aux adultes. (,,,)
Pas de traitement additionnel

Lopinavir400mg-Ritonavir100mg (…)

Corticosteroid (…)
Hydroxychloroquine : par voie orale pendant 10 jours comme suit :
Dose initiale : 800mg
Après 6h : 800mg
Après 12h : 400mg
Après 24h : 400mg
Toutes les 12h pendant 9 jours : 400 mg
Azithromycine : Par voie orale (ou par sondage naso-gastrique) ou par intraveineuse, une fois par jour pendant 10 jours
. »

Premiers enseignements à la lecture de ces lignes :
1/ Les patients ont été placés sous traitement de l’un des médicaments mentionnés ci-dessus ou sous placebo. C’est à dire que le protocole proposé par Didier Raoult n’est pas testé dans cette étude, puisque celui-ci réclame d’associer hydroxychloroquine et azithromycine ensemble, ce qui n’est pas le cas ici.
De facto, ceci disqualifie d’office cet essai s’il souhaitait remettre en question la position, fondée ou non, du professeur marseillais.

2/ Les doses prescrites par le protocole Raoult étaient, pour rappel : « hydroxychloroquine (200 mg x 3 par jour pour 10 jours) + Azithromycine (500 mg le 1er jour puis 250 mg par jour pour 5 jours de plus) »
Faisons des calculs très simples au sujet de la posologie choisie dans le cadre de l’étude Recovery. Raoult préconise une posologie de (200mg x 3) par jour, soit 600mg par jour pendant 10 jours. Soit 6.000 mg sur l’ensemble du traitement. Pour l’azithromycine, il propose une dose de 500mg le 1er jour, puis 250mg pendant 5 jours. Soit 6 jours de traitement, pour une dose totale de 1.750mg en tout. Quelles doses ont été données aux patients traités dans le cadre de l’étude Recovery ?

Si l’on fait le calcul sur le premier jour, 4 doses sont données aux patients traités exclusivement à l’hydroxychloroquine : 2 de 800mg et de 2 de 400. On atteint donc une prescription totale de (2×800) + (2×400) = 2.400 mg pour le seul premier jour, soit 4 fois la posologie préconisée par le professeur Raoult qui est de 600 mg.

Sur l’ensemble du traitement à l’hydroxychloroquine, l’étude Recovery aura administré à ses patients 9.600mg en 10 jours contre 6.000 mg préconisés par le professeur Raoult. Soit plus de 3.600 mg (60% de plus) d’hydroxychloroquine comparés aux préconisations du professeur marseillais.

Sans être médecin, on constate tout de suite qu’il y a un biais scientifique évident dans le cas où l’on souhaiterait vérifier la qualité de son protocole.

La chloroquine est une molécule utilisée depuis des décennies en France, notamment par les habitués de voyages en Afrique. L’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), dans sa fiche explicative sur le plaquenil (le principal médicament composé d’hydroxychloroquine utilisé en France), communique, dans son point « 4.9 Surdosage », le seuil qu’elle considère ne pas falloir dépasser pour ne pas risquer d’effets indésirables : « doses absorbées ≥ 25 mg/kg, ». Si vous dépassiez cette dose sur un jour, vous risqueriez alors : « céphalées, troubles visuels, collapsus cardiovasculaire, hypokaliémie, troubles du rythme, troubles de la conduction et convulsions, rapidement suivis d’un arrêt respiratoire et cardiaque brutal».

Pour y remédier, l’ANSM précise que : « la prise en charge devra être rapide: lavage gastrique, charbon activé, réanimation symptomatique. ».

Que représente ces 25mg/kg considérés par l’ANSM comme le seuil maximal en terme de dose totale à prescrire à un individu ?
Si celui-ci pèse 50 kgs, le seuil de surdosage est donc fixé à : 1.250 mg. Pour 60 kgs : 1.500 mg. Pour 70 kgs : 1.750 mg. Pour 80 kgs : 2.000mg

C’est-à-dire que, Recovery, en donnant à ses patients 2.400 mg le seul premier jour, aurait eu besoin, pour ne pas les exposer à un risque de surdosage selon les seuils fixés par l’ANSM, d’étudier des individus dont le poids n’était pas inférieur à 96 kgs. Ce qui n’a évidemment pas été le cas. Recovery a donc largement dépassé le seuil de surdosage fixé par l’ANSM dans le cadre de son essai. Et ses chercheurs en sont conscients, puisqu’ils précisent, page 22 :

« La posologie recommandée de chloroquine chez l’adulte pour le traitement du paludisme non falciparum (BNF) est: Initialement 620 mg, puis 310 mg après 6-8 heures, puis 310 mg par jour pendant 2 jours. Cela équivaut à 930 mg de base dans les 24 premières heures(…) La dose adulte est généralement de 400 à 600 mg par jour (équivalant à 310 à 465 mg de base). Parfois 800 mg par jour sont administrés La dose de RECOVERY est de l’hydroyxchloroquine (155 mg base par comprimé de 200 mg) : (…) La dose de charge dans RECOVERY est donc deux fois la dose normale pour le traitement du paludisme(…) Compte tenu de la mortalité importante chez les patients hospitalisés pour COVID-19, cette dose est jugée justifiée.C’est le schéma qui a été adopté par l’Organisation Mondiale de la Santé. Aucun ajustement posologique n’est requis pour le poids en fonction des doses définies dans ce protocole. »

Première indication, contrairement aux recommandations de l’ANSM, Recovery annonce « [qu’]aucun ajustement posologique n’est requis pour le poids en fonction des doses définies dans ce protocole. ». Ensuite, on note que l’étude donne des chiffres en parlant de « base », elle précise :  « La dose adulte est généralement de 400 à 600 mg par jour (équivalant à 310 à 465 mg de base). », ajoutant que la dose recommandée pour le traitement du paludisme est de « 930 mg de base dans les 24 premières heures », ce qui correspond à 1.200 mg convertis en comprimés. Référence qui est notre depuis le début de la démonstration. Et sachant que : « La dose de charge dans RECOVERY est  deux fois la dose normale pour le traitement du paludisme. », celle donnée aux patients traités à l’hydroxychloroquine correspond bien à (1.200mg x 2) = 2.400mg dans les 24 premières heures, comme calculé précédemment. En revanche, Recovery ne précise pas que la dose qu’elle donne à ses patients les premières 24 heures est quatre fois supérieure à la posologie préconisée par le professeur marseillais et que, pour un patient de 60 kilos, elle dépasse de plus de 60 % le seuil de surdosage édicté par l’agence nationale de sécurité du médicament.

Par conséquent, l’étude Recovery, en ne prescrivant pas l’azithromycine avec l’hydroxychloroquine et en donnant des doses de cheval aux patients traités, ne peut pas prétendre avoir vérifié si le protocole de Didier Raoult fonctionnait ou non.

Si on vous prescrit un antibiotique et du paracétamol pour X maladie, mais que vous ne recevez que le paracétamol avec une dose supérieure de 60% au seuil de surdosage, forcément, les résultats risquent d’être différents que ceux escomptés lorsqu’on vous aura prescrit le traitement.

Avec cette même logique, tous les médicaments sont dangereux et toutes les études souhaitant le démontrer y parviendront. Tous ou presque procurent de graves effets indésirables en cas de surdosage. En définitive, et dans le bon respect des règles scientifiques, l’étude Recovery a en effet prouvé qu’avec ce dosage-là bien précis et en administrant l’hydroxychloroquine seule, cettedernière « ne réduit pas le risque de décès chez les patients hospitalisés atteints de cette nouvelle maladie ».

En revanche, lorsque l’essai conclut qu’il n’y a : « aucun effet bénéfique de l’hydroxychloroquine chez les patients hospitalisés pour COVID-19 », c’est plus problématique. Ces conclusions sonnent comme irréfutables sur la question de l’efficacité de l’hydroxychloroquine de manière générale, alors qu’elles ne s’appliquent en réalité qu’exclusivement à ce protocole bien précis mis en place par Recovery dans le cadre de son étude. 

Il faut lire l’essai pour comprendre cette inclusion. Quiconque ne le ferait pas pourrait être convaincu, à tort, que cette étude prouverait de manière incontestable que l’hydroxychloroquine serait inefficace pour traiter la Covid-19. Il existe un autre biais dans cet essai qui aurait également pu être abordé : le type de patients traités à l’hydroxychloroquine par Recovery. On constate une large part de personnes aux pathologies diverses et déjà à risque en terme de mortalité. Ce qui influe indubitablement sur les résultats.


Passons à présent à la seconde étude, d’origine française, prise pour référence par l’AFP : Hycovid.

Là encore, l’AFP, qui décidément ne nous aide pas dans notre recherche d’informations, ne nous procure pas de lien pertinent pour agrémenter ses explications. Sur celui qu’elle nous fournit, nous pouvons néanmoins lire la déclaration d’intention de l’étude : « Dans la lutte contre une pandémie qui est la cause de 2000 décès par jour en Europe, et de 3000 dans le monde, il n’y pas de place pour la polémique. C’est fort de ce constat que le Pr Vincent Dubée, infectiologue au CHU d’Angers, a souhaité apporter une réponse rapide, neutre et scientifique au débat autour de l’utilisation de l’hydroxychloroquine dans le traitement contre le Covid. Alors que certains estiment que cette molécule promet des résultats spectaculaires, sans preuve scientifique, d’autre s’opposent fermement à son utilisation large dans le Covid, arguant d’effets délétères potentiels. En scientifique, mais également en tant que praticien prenant en charge depuis 5 semaines chaque jour des patients Covid-19, le Pr Dubée se propose d’étudier de manière simple, rapide et impartiale l’effet de cette molécule sur la pathologie. »  Sûrement parce que, contrairement aux autres, ce texte est écrit en français, ces paroles inspirent confiance au lecteur. Une étude « neutre » et « impartiale », c’est précisément ce dont nous avions besoin pour enfin tenter de sortir de cette « polémique ».

1/ Les résultats :

Quels sont les résultats obtenus par le CHU d’Angers en collaboration avec 48 autres hôpitaux ?
Pour le savoir, il faut se rendre sur le site https://www.medrxiv.org qui concentre un grand nombre d’études scientifiques et qui sert de pré-publication avant qu’elles ne paraissent dans une des grandes revues scientifiques, comme The Lancet ou Nature.

Une fois retrouvé l’essai qui nous intéresse (également disponible ici), il faut se rendre page 4, à la partie « Results ».

Vous pourrez y lire :
«  Résultats : Après l’inclusion de 250 patients, l’essai a été arrêté en raison d’un ralentissement de la pandémie en France. La population traitée comprenait, respectivement, 123 et 124 patients dans les groupes placebo et hydroxychloroquine. L’âge médian était de 77 ans et 151 patients ont nécessité une oxygénothérapie. Le critère d’évaluation principal est apparu chez neuf patients du groupe hydroxychloroquine et huit patients du groupe placebo (,,,). Aucune différence n’a été observée entre les deux groupes pour aucun des critères d’évaluation secondaires. »,

À la lecture de cette conclusion, on relève trois informations :

– Premier biais de l’étude, le nombre de 250 patients y participant est très faible. Pour vous donner un ordre d’idée, et même si tous les patients n’étaient pas traités à l’hydroxychloroquine, les deux autres essais cités par l’AFP, Recovery et Solidarity, regroupaient respectivement 20,000 et environ 11,000 patients (voir page 2). Autant dire que la française Hycovid fait office de minus avec ses seuls 250 patients.

– « Le critère d’évaluation principal est apparu chez neuf patients du groupe hydroxychloroquine et huit patients du groupe placebo »

– « Aucune différence n’a été observée entre les deux groupes pour aucun des critères d’évaluation secondaires. »

De manière à déterminer ce que les conclusions entendent par « critère d’évaluation principal » et par « critères d’évaluation secondaires », il nous faut étudier le protocole.


2/ Le protocole :

Toujours page 4, la partie « method » nous offre les premiers éléments de réponse : « Méthodes : Nous avons mené un essai multicentrique randomisé en double aveugle contre placebo évaluant l’hydroxychloroquine chez des patients COVID-19 présentant au moins l’un des facteurs de risque d’aggravation suivants: âge ≥ 75 ans, âge entre 60 et 74 ans et présence d’au moins une comorbidité, ou besoin d’oxygène supplémentaire (≤ 3 L / min). Les patients éligibles ont été randomisés (…) pour recevoir soit 800 mg d’hydroxychloroquine le jour 0 suivi de 400 mg par jour pendant 8 jours ou un placebo. Le critère d’évaluation principal était un composite de décès ou d’intubation trachéale dans les 14 jours suivant la randomisation. Les critères d’évaluation secondaires comprenaient la mortalité et l’évolution clinique aux jours 14 et 28, l’excrétion virale aux jours 5 et 10. » Le critère principal d’évaluation est donc celui relatif au nombre de décès ou aux intubations survenus dans les 14 jours après le placement des patients dans leurs groupes respectifs (Hydroxychloroquine ou Placebo). Concernant les critères d’évaluation secondaires, ils portent, quant à eux, sur la mortalité et l’évolution clinique aux jours 14 et 28, ainsi que sur l’excrétion virale aux jours 5 et 10.

Maintenant que nous avons pris connaissance du protocole et de son vocabulaire, relisons les résultats pour mieux en saisir le sens : au 14ème jour, on dénombre « neuf patients du groupe hydroxychloroquine et huit patients du groupe placebo ». Ce qui revient à dire que neuf patients du groupe hydroxychloroquine ont soit été intubés, soit sont décédés, contre huit dans le groupe placebo. Des chiffres très proches entre les deux groupes, qui tendent ainsi à confirmer la confiance placée en cette étude par l’AFP pour démontrer l’inefficacité de l’hydroxychloroquine. Par ailleurs, en concluant :  Aucune différence n’a été observée entre les deux groupes pour aucun des critères d’évaluation secondaires. », Hycovid affirme qu’il n’y a au final pas eu de différence de résultats aux jours 14 et 28 entre les deux groupes. Ce qui, là encore, validerait l’affirmation formulée par l’AFP et la conclusion de l’étude.

Quels sont les biais de cet essai ?

D’abord, la posologie est cette fois bien plus proche de celle préconisée par le professeur marseillais, mais comme ce fut le cas avec l’étude Recovery, on constate néanmoins tout de suite que le protocole adopté par Hycovid n’est toujours pas celui de Didier Raoult, puisque l’azithromycine n’est pas administrée avec l’hydroxychloroquine. Il est toutefois précisé, page 6, que certains patients avaient un traitement secondaire à base d’azithromycine. Et comme nous pouvons le vérifier page 27 : 10 sur les 124 du groupe hydroxychloroquine, et 11 sur celui du placebo ont reçu en plus cet antibiotique. Il y est également écrit : « Pour l’analyse du critère de jugement principal dans le sous-groupe de patients recevant de l’azithromycine lors de la randomisation, le risque relatif n’a pas pu être calculé car le critère de jugement principal est survenu chez 0 patient sur 10 ayant reçu à la fois de l’azithromycine et de l’hydroxychloroquine par rapport aux 3 des 11 patients ayant reçu de l’azithromycine et le placebo. »

Autrement dit, si l’on traduit ce passage avec le vocabulaire employé par l’étude, on comprend :

« Pour l’analyse – [du] composite de décès ou d’intubation (…) dans les 14 jours suivant la randomisation – dans le sous-groupe de patients recevant de l’azithromycine lors de la randomisation, le risque relatif n’a pas pu être calculé car – la mort ou l’intubation – est survenue chez 0 patient sur 10 ayant reçu à la fois de l’azithromycine et de l’hydroxychloroquine par rapport aux 3 des 11 patients ayant reçu de l’azithromycine et le placebo. »

L’étude démontre donc qu’aucun des patients ayant reçu « à la fois de l’azithromycine et de l’hydroxychloroquine » n’est mort ou n’a été intubé après 14 jours, contrairement « aux 3 des 11 patients ayant reçu de l’azithromycine et le placebo ».

Le protocole du médecin marseillais n’a pas été recherché par Hycovid, mais les quelques patients y étant assujettis au cours de cet essai ont eu des résultats qui ont eu tendance à aller dans son sens.

Néanmoins, le trop faible nombre de patients concernés par l’administration de cette bithérapie dans le cadre d’Hycovid, ajouté à l’arrêt prématuré de l’étude, ne permet pas d’asseoir quelconque conclusion scientifique qui puisse être viable sur la qualité réelle du traitement de Raoult.

Un autre élément allant dans le sens du médecin marseillais est dévoilé page 10 :
« Il n’y a pas eu de différence significative dans le taux du critère d’évaluation principal, survenu dans les 14 jours suivant la randomisation chez 8 des 123 patients assignés au groupe placebo (6,5%) et 9 des 124 patients assignés au groupe hydroxychloroquine (7,3%), (,,,) À 28 jours après la randomisation, 9,8% (12/123) des patients du groupe placebo étaient décédés ou avaient été intubés contre 7,3% (9/124) dans le groupe hydroxychloroquine ».

On constate ici qu’entre le jour 14 et le jour 28 l’écart se creuse entre le groupe placebo et le groupe hydroxychloroquine, puisque le premier a vu 12 de ses 123 patients décédés ou être intubés, tandis que le second n’en comptait que 9.

Est-il possible à présent de dissocier, dans ces résultats, les personnes intubées de celles décédées ? Oui. Pour cela, il faut vous rendre page 23 du document et consulter ce tableau :

tableau_page_23_hycovid.jpg

Légende : Au Jour 28, le groupe hydroxychloroquine comptait 6 morts contre 11 pour le groupe placebo.

On y lit qu’après 28 jours, 6 patients sur 124 sont morts dans le groupe hydroxychloroquine, contre 11 pour 123 dans le groupe placebo. Ce qui implique que 3 étaient toujours intubés dans le groupe hydroxychloroquine contre 1 dans le groupe placebo. Après 28 jours, le groupe ayant été traité avec l’hydroxychloroquine comptait ainsi presque moitié moins de patients décédés que celui sous placebo.

Chose que ne manquera d’ailleurs pas de souligner le professeur marseillais. Là encore, le trop faible taux de participants est, comme le conclue l’étude, trop peu significatif pour pouvoir affirmer que l’hydroxychloroquine est bénéfique aux malades atteints du Covid.

Néanmoins, s’il fallait tendre dans un sens plutôt que dans un autre, les résultats de cet essai sont bel et bien en faveur du groupe hydroxychloroquine.

L’autre biais sur lequel nous pourrions également nous attarder est celui de l’âge médian très avancé des patients sélectionnés (77 ans), ce qui accroît de facto leur risque de mortalité pendant le traitement et qui a généralement tendance à plomber les résultats d’une étude sur un virus qui concerne une population plus hétérogène.

Au final, si cet essai ne démontre pas une efficacité significative de la molécule, elle ne permet pas non plus d’affirmer qu’elle est inefficace dans le traitement de la Covid-19, remettant ainsi en cause l’affirmation initiale de l’AFP¨et son choix d’avoir pris Hycovid pour exemple.

Troisième étude citée par l’AFP : Solidarity

1/ Les résultats : Cette fois le lien que nous propose l’AFP nous permet bien de vérifier par nous-mêmes les conclusions de ce troisième essai.

On y lit : « L’essai Solidarité a publié les résultats intermédiaires le 15 octobre 2020. Il a constaté que les 4 traitements évalués (remdesivir, hydroxychloroquine, lopinavir / ritonavir et interféron) avaient peu ou pas d’effet sur la mortalité globale, la mise sous ventilation et la durée du séjour à l’hôpital chez les patients hospitalisés. »,

Une nouvelle fois, les conclusions semblent claires : « peu ou pas » d’efficacité démontrée par l’hydroxychloroquine.

2/ Le protocole
Pour retrouver le protocole, il faut cette fois le chercher. La pré-publication se trouve ici (version non pdf ici).

On y lit, page 2 :
« MÉTHODES : Les médicaments de l’étude étaient le remdesivir, l’hydroxychloroquine, le lopinavir (association à dose fixe avec le ritonavir) et l’interféron-β1a (,,,) Les patients hospitalisés pour la COVID-19 ont été randomisés de manière égale entre les médicaments disponibles à l’étude localement (…). Les analyses primaires portent sur la mortalité à l’hôpital dans les 4 comparaisons par paires de chaque médicament à l’étude par rapport à ses témoins. »

L’objet de l’essai est donc de définir la différence de mortalité entre les différents médicaments cités.

Pour la troisième fois, on remarque que l’azithromycine, ou tout autre antibiotique, n’est pas associé à l’hydroxychloroquine. Ce qui de nouveau discrédite ce nouvel essai dans sa capacité à pouvoir vérifier la pertinence de la bithérapie préconisée par Didier Raoult.

Quelles sont cette fois les doses prescrites dans Solidarity ?

Rendez-vous, page 3 : « Hydroxychloroquine (orale): heure 0, quatre comprimés; Heure 6, quatre comprimés; Heure 12, commencez deux comprimés deux fois par jour pendant 10 jours. Chaque comprimé contenait 200 mg de sulfate d’hydroxychloroquine (155 mg base / comprimé; une alternative peu utilisée impliquait 155 mg de chloroquine base / comprimé) ».
 
Pour les 24 premières heures, Solidarity a donc administré : Heure 0 = 4 comprimés / Heure 6 = 4 comprimés / Heure 12 = 2 comprimés / Heure 24 = 2 comprimés

Total 24H = 12 comprimés de 200mg, soit 2.400mg.

Ce qui revient exactement à la même posologie que celle adoptée dans le cadre de l’étude Recovery, soit là encore un surdosage de 60% par rapport au seuil maximal défini par l’agence nationale de sécurité du médicament et une dose 4 fois supérieure à celle préconisée par Didier Raoult. Par conséquent, tout comme nous le concluions au sujet de Recovery, l’étude Solidarity n’est pas viable pour affirmer de manière générale que l’hydroxychloroquine a « peu ou pas d’effet sur la mortalité globale, la mise sous ventilation et la durée du séjour à l’hôpital chez les patients hospitalisés. ». Si cette conclusion de Solidarity est scientifiquement viable, elle ne concerne que le cas qu’elle a étudié, c’est à dire celui avec ce dosage bien précis et sans association avec l’azithromycine.

L’AFP ne dit pas explicitement que le protocole Raoult ne fonctionne pas.
D’autres points non abordés ici auraient également dû mettre la puce à l’oreille de l’AFP concernant la viabilité des sources qu’elle cite. Par exemple, excepté dans Hycovid, l’hydroxychloroquine n’est pas administrée en début d’infection, mais souvent en fin, ce qui ne respecte pas là non plus le protocole du professeur Raoult qui, lui, préconise un traitement donné en début de maladie. Le simple fait que ces études citées par l’Agence France Presse ne tiennent pas compte de ce facteur temps les discrédite à leur tour.

Souvenons-nous d’ailleurs de la subtilité existante dans l’explication initiale de l’AFP qui associait le professeur Raoult et l’hydroxychloroquine dans la même phrase, les reliant l’un à l’autre, sans pour autant distinguer de nuance entre hydroxychloroquine seule et son protocole : « l’hydroxychloroquine est un traitement contre le Covid, affirmant que ce médicament promu par Didier Raoult a prouvé son efficacité. C’est faux. »

Finalement, l’AFP ne dit pas explicitement que le protocole du professeur Raoult est inefficace, elle dit que l’hydroxychloroquine seule l’est, sans pour autant préciser dans quels cas de figure elle l’est, Ce qui lui permet donc de formuler cette affirmation sans prendre le risque d’être attaquée sur la véracité de son propos. Une nuance subtile qui n’est pas nécessairement décelable pour qui ne suit pas précisément le sujet. On peut très facilement conclure après la lecture de ce passage de l’article que c’est l’ensemble du traitement du professeur Raoult qui ne marche pas, plutôt que la molécule utilisée en monothérapie avec ces doses précises.

La suite de l’article appuie d’ailleurs encore davantage ce sentiment, souvenez-vous comment l’argumentaire de l’AFP évolue : « Depuis le début de l’épidémie, le professeur Raoult a bien rendu publiques plusieurs études mais elles ont été largement critiquées en raison de leurs problèmes méthodologiques importants. Depuis, d’autres études – comme le vaste essai britannique Recovery, la française Hycovid, ou Solidarity, menée dans le monde par l’OMS – sont parvenues à la conclusion que l’hydroxychloroquine n’est pas efficace contre le Covid-19. ».

1/ Certains disent que l’hydroxychloroquine, chère à Raoult, est efficace

2/ C’est faux.
3/ Aucune étude de Raoult ne le démontre.
4/ En revanche plusieurs études prouvent le contraire.

A la lecture de cette suite de préceptes, on pense d’abord que l’hydroxychloroquine pourrait fonctionner. On est vite contredit. On sous-entend que parce que les études de Raoult n’obtiennent pas le consensus, il faut implicitement comprendre qu’aucune étude ne va dans le sens de l’efficacité de l’hydroxychloroquine. Enfin, en opposition, on nous explique que 3 études ont vu le jour, et sont particulièrement sérieuses, puisque l’une s’appuie sur un « vaste essai britannique » et une autre est « menée dans le monde par l’OMS ». Des études qui, elles, arrivent bien à la conclusion que la molécule n’est pas efficace contre le Covid, prouvant ainsi que le traitement défendu par le professeur marseillais ne fonctionne pas.

Lorsque l’on cherche à conforter ses positions, il est aisé, comme le fait ici l’AFP, de s’appuyer sur des études sans prendre le temps d’en vérifier les biais.

Pour preuve, si l’on souhaitait influencer le lectorat dans le sens inverse que celui défendu par l’AFP, nous pourrions tout aussi bien citer cette étude (voir page 2 et 3), « results » et « method »), ou celle-ci (cliquez sur PMC7325642 ou sur DOI: 10.1007/s11606-020-05983-z, pour accéder à l’ensemble de l’étude), ou encore celle-ci (« method » page 2, « results » page 3), qui, elles, concluent toutes à l’efficacité de l’hydroxychloroquine.

Le procédé serait tout aussi fallacieux, puisque ces études favorables à l’hydroxychloroquine ont elles aussi leurs propres biais. Dans un cas comme dans un autre, en s’obstinant à ne prendre en compte que les conclusions des études allant dans le sens que l’on souhaite mettre en avant, et donc en refusant d’opposer les observations et les conclusions contradictoires entre elles, il semble impossible d’être en mesure de déceler quelconque certitude scientifique et/ou journalistique sur un sujet.

Quand l’AFP sous-entend que celui-ci est déjà entériné, il y a en réalité toujours bien matière à légitimer un débat scientifique contradictoire concernant l’efficacité ou l’inefficacité de l’hydroxychloroquine comme traitement possible à la Covid-19.

La science n’a pas encore tranché sur le sujet, ce n’est donc pas aux journalistes de le faire.
 

Wolf Wagner

Wolf Wagner est journaliste indépendant depuis 2007.

Auteur(s): Wolf Wagner, journaliste pour FranceSoir

Source : http://www.francesoir.fr/politique-france/hold-up-afp-debunk-debunk

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